1 mai 2007

- Mon pays, Saint-Céneri


Saint-Céneri-le-Gérei, à 15 kilomètres d’Alençon, est l’un des plus beaux villages de France. Il a attiré de nombreux peintres, dont Corot et Courbet. Le maire, Ken Tatham, d’origine britannique, termine son deuxième mandat. Sa femme, Christiane, a lancé en 1983 la « Rencontre des peintres » qui attire à la Pentecôte une foule de visiteurs dans ce ravissant village classé.

Ken Tatham est originaire du Yorkshire, de Leeds exactement. Après le bac, il roule sa bosse à travers l’Europe et rencontre Christiane, sa future épouse, en 1965 à Paris. Les parents de la jeune fille possèdent une résidence secondaire à Saint-Céneri-le-Gérei, « un petit pays charmant ». Ken a le coup de foudre autant pour ce village que pour Christiane.
« Nous nous sommes mariés en 1967 à Saint-Céneri et quand notre premier fils est né, nous avons décidé de nous y installer. Nous avons construit un restaurant et nous l’avons tenu jusqu’en 1981. » Puis Ken devient directeur export d’une société de prêt-à-porter féminin à Londres. Il rentre le week-end à Saint-Céneri. Il retape de ses mains deux maisons et y monte deux centres d’appels qui emploieront jusqu’à 24 personnes.
Ken travaille actuellement comme « conseil en installation en France » dans une société qu’il a créée en Angleterre et qui vend des propriétés françaises haut de gamme aux Anglais. Il a été élu maire en 1995.

« Ça a été très dur au départ parce que dans une petite commune les moyens sont très, très limités. Il a fallu se bagarrer. Notre église - classée - était en train de s’écrouler. Personne ne voulait nous aider, alors nous nous sommes rendus très désagréables. Grâce au journaliste Jean-Marc Sylvestre, nous avons eu accès à la télévision. On est passés sur les ondes du monde entier, Japon, États-Unis, Grande-Bretagne… Et finalement nous avons eu gain de cause. Nous avons rétrocédé l’église au Département. Et puis on se bat pour le patrimoine et pour l’histoire car Saint-Céneri a un passé pictural très important. Tous les ans, nous organisons à la Pentecôte une “Rencontre des peintres et sculpteurs”. Ils exposent chez les habitants. Cette année, c’est la vingt-et-unième édition. Nous recevons 15 000 personnes pendant ces trois jours.

En tant qu’Anglais, qu’est-ce qui vous a le plus étonné dans la gestion quotidienne d’une mairie en France ?
- Plusieurs choses. D’abord le besoin d’être assisté. Le bon côté, c’est qu’on devient le confident de beaucoup d’habitants. Les gens vous font confiance, du moins les gens d’un certain âge. Il faut écouter les gens, leur donner beaucoup de temps.

Et la paperasserie ?
- C’est abominable, et ça ne s’arrange pas. On parle de dématérialisation, mais on a autant, sinon plus, de papiers aujourd’hui qu’on en avait avant. Plus tout ce qui arrive par l’ordinateur.

Si vous aviez trois vœux à formuler pour améliorer la vie municipale ?

- La première chose que je demanderais, c’est un peu plus de tolérance et de compréhension de la part des habitants. Qu’ils se mettent à la place des autres. Concernant l’administration… Peut-être changer le statut de l’élu. D’abord il est excessivement difficile de convier tout le monde avant de prendre toute décision. Et puis il faudrait avoir un autre système que ces foutues délibérations à propos de tout, pour faire payer une facture, pour ceci, pour cela… C’est lourd, lourd, lourd. Ça veut dire qu’on ne fait pas confiance au maire.

Quoi d’autre ?
- Si j’ai un souhait, c’est de pouvoir vraiment exercer le pouvoir de police. Il est insupportable que dans nos petites communes nous ne puissions pas faire respecter la loi. Un exemple tout simple : il y a une personne chez nous qui a un chien agressif. On n’arrive pas à l’attacher. Ce chien agresse les gens, il mord, il fait peur aux visiteurs… Les gendarmes disent : “Tant qu’il n’y a pas de plainte, on ne peut rien faire”. Mais qui sera responsable le jour où il y aura une catastrophe ? C’est moi ! Les gens n’ont aucun sens civique, ils ne se rendent pas compte qu’ils embêtent les autres. Les résidents se garent n’importe où… C’est assez français. Ça m’agace fortement.

Comment voyez-vous l’avenir de votre village ?
- Le nombre d’étrangers dans nos villages m’inquiète. Les maisons sont devenues tellement chères que les jeunes ne peuvent plus s’installer. Il n’y a que les Parisiens ou les étrangers qui peuvent acheter. Dans vingt ans, je ne sais pas ce qu’il adviendra de mon village. Les maisons restent vides. Elles sont trop chères. Les prix chez nous ont doublé en deux ans. Il y a à Saint-Céneri cinq familles d’Anglais - à part moi, qui suis français - soit 10 % de la population, et ce sont tous des retraités. Et moi, je suis pour l’intégration des jeunes étrangers dans nos villages.

Vous avez parrainé quelqu’un pour la présidentielle ?

- Oui : François Bayrou. Normal : je suis à l’UDF. Je le connais un peu. Il m’appelle l’Angliche ! »

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Ken s'est battu pour sauver l'église de Saint-Céneri (xie siècle).
« Personne ne voulait nous aider… Alors nous nous sommes rendus très désagréables »

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